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Michel Pasquier "un collectionneur hors du commun"

Mots clés : brickostampaphile , Loir-et-Cher (41)

mardi 4 juillet 2023


Michel Pasquier, collectionneur courchois, offre sa superbe collection à Romorantin

À une époque pas si lointaine, on construisait sa maison avec les matériaux extraits et transformés sur place... ou tout au moins dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres. C’est la distance qui correspondait à l’aller/retour d’un tombereau chargé dans une journée.
En 1900, la terre de Sologne, si argileuse, comptait 400 briqueteries.
Ces briques étaient estampillées au nom de l’entreprise (le nom de son propriétaire) et au nom du lieu de production.

Depuis 1990, Michel Pasquier s’est passionné pour cette fabrication, ce qui l’a amené en toute logique à s’intéresser aux autres éléments d’architecture en terre cuite. Par exemple les éléments de toitures : tuiles, têtes et fleurons de cheminées, épis de faîtages, chatières d’aération... et un grand nombre de pièces que les artisans de l’époque ont réalisées avec leur imagination et leur talent.

Une soixantaine de machines et outils de la fabuleuse collection de Michel Pasquier illustrent toutes les étapes de fabrication : le malaxeur d’argile, les moules, les matrices et presses à estampilles... De la terre cuite à la céramique, il n’y a qu’un pas. L’émail coloré recouvre certaines pièces de terre cuite. La céramique architecturale s’est emparée des décors inspirés de l’antiquité Grecque et Romaine, mais aussi de la Renaissance, adaptés au goût de l’époque (milieu XIXe début XXe siècle).

Un superbe ensemble de grès Bigot, produits par un artiste d’exception, fait partie des fleurons de la collection. Alexandre Bigot est né à Mer en 1882. Il s’est spécialisé dans la création de céramiques architecturales (Cheminées, carreaux, décors de toutes sortes...). Ses oeuvres sont de renommée nationale et internationale. Nous ne pouvons pas décrire ici toute la richesse de la collection de Michel Pasquier qui a réuni avec passion pendant vingt ans des pièces surprenantes, superbes ou qui témoignent du travail de nos artisans Solognots d’il y a cent ans.

Michel Pasquier près d’un malaxeur d’argile Delage, qui était actionné par un cheval

Michel Pasquier réside à Cour-Cheverny, dans la maison de son enfance. Pour encore environ une année, ses collections occupent l’ensemble des communs de sa résidence. Mais elles sont destinées à migrer à Romorantin, dès que les travaux en cours à l’ancien espace Matra seront terminés. Près de 7 000 pièces seront exposées dans ce qui deviendra " le musée de la terre cuite et de la céramique architecturale ".

Source : La Grenouille - La Grenouille n°3 - Avril 2009


Michel Pasquier, un collectionneur hors du commun

Dans un entretien en 2013, le Musée de Sologne a recueilli le témoignage de Michel Pasquier qui raconte sa passion.

Michel Pasquier à son domicile de Cour-Cheverny
en 2013, devant le portrait d’Alexandre Bigot.
Au mur (à gauche), les photos de la véranda
de la maison du céramiste, à Mer.

C’est au hasard d’une promenade qu’il a un jour visité avec des amis une petite exposition à La Borne, village de potiers dans le Cher, qui présentait une trentaine de briques estampillées, réunies par un collectionneur local. Cette visite lui a donné l’envie de faire de même, et il a commencé à collectionner les briques, récoltées dans différents lieux, sa profession l’amenant à se déplacer fréquemment… Il les « ramassait à droite à gauche » et, très occupé professionnellement, il les entassait dans un coin : 10, 20, 30 briques au bout d’un an, puis 100, trouvées principalement dans le Loir-et-Cher, puis au fil des années dans la région, la France et finalement aux quatre coins du monde... C’est ainsi que, vingt ans plus tard, il en avait réuni plus de 4 000 …

Au début, ses « récoltes » se faisaient souvent sur des chantiers de démolition, puis des amis lui en ont apporté, puis il a pratiqué des échanges avec des collectionneurs (notamment avec un collectionneur anglais), participé à des bourses d’échanges, etc. Il faisait partie du Rotary Club et de l’association des Amis du Musée de Sologne (dont il a été le président) et avait beaucoup d’amis. Toutes les personnes de sa connaissance étaient chargées de ramener des briques de leurs voyages à l’étranger…

Il ne collectionnait que les briques estampillées : celles-ci comportent la marque du briquetier (artisan ou industriel) et parfois le nom du village et du département d’origine. C’est ainsi que le briquetier faisait sa publicité. Avec ces marques de fabrique, la collection permet de voyager dans le temps et dans l’espace, et de découvrir parfois la trace de briqueteries aujourd’hui disparues et oubliées…

On pourrait écrire des pages entières pour évoquer ces briques : celles estampillées « AP » (Administration pénitentiaire) fabriquées par les bagnards de Cayenne, ou celles trouvées à Gièvres, fabriquées aux USA et importées en France par l’armée américaine pendant la première guerre mondiale pour la construction des bâtiments des immenses camps militaires installés dans la vallée du Cher. Il y a aussi les briques sur lesquelles sont gravés des textes (une déclaration d’amour, des décomptes d’heures travaillées, ou une revendication d’un salarié de la briqueterie…) ou parfois la trace de patte d’un chat, d’un chien ou d’un oiseau venu se poser sur la brique en cours de séchage…

Source : Le Triton - La Grenouille n°36 - Juillet 2017

Frédéric et Antoine Pasquier, deux de ses fils, se souviennent

Nous avons vu la maison familiale se remplir progressivement de briques. Notre père avait toujours quelques outils dans sa voiture, notamment une massette et un pic, ça pouvait toujours servir sur des chantiers de démolition… Il a eu l’occasion d’entrer en contact avec de nombreux collectionneurs, parfois à l’autre bout du monde, en Australie ou en Nouvelle Zélande… Les échanges n’étaient pas toujours faciles, la brique n’étant pas l’objet idéal à échanger par courrier… I
l lui a parfois fallu négocier longuement pour acquérir des pièces auprès de leurs propriétaires, mais il avait un certain pouvoir de persuasion…

Antoine se souvient aussi d’avoir été sermonné pour être revenu d’un voyage à Barcelone sans aucune brique dans ses valises... et du voyage à Rugby en Angleterre avec son père, avec une centaine de kilos de briques dans la voiture à l’aller et, bien sûr, l’équivalent au retour en briques anglaises…

Source : Le Triton - La Grenouille n°36 - Juillet 2017

L’histoire vécue d’une passion

Monique Leroux, sa compagne (institutrice à Cour-Cheverny pendant 30 ans), nous a évoqué quelques péripéties vécues aux côtés du collectionneur :

Les dimanches après-midi étaient entièrement consacrés à la recherche de briques dans la région, ou au repérage d’anciennes tuileries désaffectées. Michel se promenait toujours le nez en l’air, pour admirer les toitures ou les façades décorées, y compris en conduisant, ce qui n’était pas très rassurant… J’ai moi-même été contaminée par ce virus… et observe beaucoup les constructions : on y trouve souvent des éléments très intéressants.

Partis un jour à Saint-Émilion pour acheter du vin, nous sommes revenus avec un petit carton de bouteilles, le reste de la voiture étant rempli de briques.

Il était à l’affût de tout : c’est ainsi qu’il a un jour appris la vente d’une maison de Mer, où avait habité le célèbre céramiste Alexandre Bigot et où était installée la fameuse « frise aux souris » dans une véranda dont les acheteurs envisageaient la démolition… Heureusement, Michel est intervenu et a pu sauvegarder cet ouvrage exceptionnel.

Arrivé à la retraite, Michel a pu commencer à trier ses briques et à les installer chez lui dans des présentoirs adaptés. Cela lui a permis de faire visiter sa collection à ses amis ou à des groupes (associations, etc.) pour des visites guidées auxquelles je participais. C’est à cette époque qu’il a élargi le champ de sa collection, en s’intéressant aux objets de décoration intérieure et extérieure en céramique, et à réunir une très importante documentation (historique, technique…) qui constitue une mémoire unique de cette industrie.

Sa relation avec le Musée de Sologne l’a amené à diversifier et approfondir ses recherches et à donner à sa collection une dimension très élaborée… Cela lui a également permis de donner un sens à sa passion, en mesurant le réel intérêt de sa collection qui participait à la sauvegarde du patrimoine, et envisager sa pérennité…

Une trace de notre passé artisanal et industriel

Michel Pasquier avait créé un abattoir de porcs dans les années 70 à Contres. Sa modestie et son humour l’amenaient à déclarer qu’il était « diplômé de Sciences porc »… ; il aurait pu aussi se déclarer brickostampaphile, puisque c’est ainsi que sont désignés les collectionneurs de briques estampillées, mais aussi céramologue, et même historien, car grâce à lui, c’est tout un passé industriel et artisanal régional, national et mondial dont la mémoire a été conservée et portée à la connaissance des générations futures.

Merci à Frédéric et Antoine Pasquier, et à Monique Leroux d’avoir confié leurs souvenirs à La Grenouille, et de les partager ainsi avec ses lecteurs. Michel Pasquier à son domicile de Cour-Cheverny (en 2013), devant le portrait d’ Alexandre Bigot. Au mur (à gauche), les photos de la véranda de la maison du céramiste, à Mer.

Source : Le Triton - La Grenouille n°36 - Juillet 2017


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