2 juin 1781 : l’incendie du Grand Lucé

Incendie du Grand Lucé (Sarthe), 1781

 

À la fin du XVIIIe siècle, il faisait apparemment bon vivre dans la petite ville du Grand Lucé. Pourtant, en 1781, un terrible incendie raye quasiment de la carte cette commune du Maine.

La catastrophe racontée par ses contemporains.

Le 2 juin 1781 : Le Grand Lucé est la proie des flammes

La ville de Lucé, Maine, à la fin du XVIIIe siècle

Blason de la ville du Grand Lucé La petite ville de Lucé, province du Maine (Le Grand Lucé, actuel département de la Sarthe) comptait à la fin du XVIIIe siècle 1800 âmes 1.
Les habitans en etoient riches par la fabrique et commerce des toiles, par le commerce de la raisine et la fabrique des oribus, par l’excellent marché de blés de toutes especes, de fils, chanvres, marons dans la saison et bestial, les caves de cette ville etoient si bonnes que le vin y perfectionnoit au point qu’on n’en buvoit point ailleurs de pareil surtout en blanc. 2

L’incendie du 2 juin 1781, témoignages d’époque

carte de Cassini n° 64 (extrait)Le curé de Lucé, sans doute choqué par les évènements, n’évoque pas dans ses registres le tragique incendie de sa ville.

Le curé de Vouvray-sur-Huisne, village pourtant distant de 30 km, rapporte, de son écriture si particulière (cf. image ci-dessous) : Le deux juin veille de la Pentecôte la petite ville du Grand Lucé a été incendiée. Je me souviens d’avoir vu ce jour là vers les deux heures, après midi entre midi et le couchant, un nuage qui paroissoit enflammé et détaché de l’horizon.
Vouvray-sur-Huisne, 1782Tandis que le curé d’Évaillé rapporte : le 2 juin der a dix heures du matin le feu pris a lucé y consomma cent quarante quatre maisons les halles d’une grandeur prodigieuse et l’église en moins de quatre heures le feu fit tout son ravage. Et pour ajouter à ce malheur, au moment du feu il se declara un orage violent, on dit que le tonnere tomba au milieu de ces infortunés sans blesser personne. 2
Il semblait, dit un contemporain, que le ciel et la terre se disputaient de vitesse pour détruire cette ville infortuné ; car, pendant que le feu la dévorait, le tonnerre grondait au-dessus et tombait en trois ou quatre endroits différents. 3
Le curé de Marigné mentionne lui aussi l’évènement dans ses registres.

Une partie des villageois se réfugia au château, flambant neuf (achevé 17 ans plus tôt) et épargné par les flammes, les autres malheureux plus morts que vifs et errants dans les champs, bois et chemins. 2

château du Grand Lucé (XVIIIe siècle) - encre sur velin | collection privée - jeffdicicco.comL’incendie fut dit-on causé par l’imprudence d’un boulanger qui était aussi fabriquant d’oribus, ces chandelles en résine. 4 Le curé d’Évaillé précise : le feu avoit pris et commence par l’imprudence d’un boulanger qui ne voulut en donner connoissance au public qu’après qu’il n y eut plus de remede. 2

L’évènement fit grand bruit et fut même relaté dans les colonnes du journal Les affiches du Maine du 11 juin suivant 4 (peut-être la source des informations du curé d’Évaillé) . Les Affiches d’Angers de juin 1781 lui consacrèrent aussi un article (Archives Départementales du Maine-et-Loire, vue n° 6). Lucé n’est plus !
S’en suivit une mobilisation générale pour venir en aide aux sinistrés. Mademoiselle PINEAU de VIENNAY, fille de Jacques, gouverneur d’Alsace et bâtisseur du château de Lucé, fut tout particulièrement louée par ses contemporains pour sa générosité, qui lui valut d’ailleurs d’échapper huit ans plus tard aux affres révolutionnaires.

Conséquences tragiques de l’incendie de 1781 au Grand Lucé

Cinq personnes victimes des flammes

La population de Lucé (les Lucéens), déjà décimée en 1779 par une terrible épidémie de dysenterie, paya un nouveau tribut à sa mauvaise fortune. Les sources ne s’accordent pas sur le nombre des morts, mais selon le curé d’Évaillé, cinq personnes furent victimes des flames. 2
Inhumations Thébaudin, 1781, Le Grand LucéCe chiffre semble confirmé par le registre paroissial du Grand Lucé, qui contient bien, en date du 3 juin 1781, 5 actes d’inhumation. Sont inhumés, en présence des curés de Lucé et Vilaine et de deux sacristes, l’apothicaire Jacques THEBAUDIN et ses deux filles, âgées de 38 et 39 ans, sa petite-fille Elizabeth GUILLARD, 13 ans, fille de feu sieur Louis Rolland, procureur fiscal, et sa domestique Anne BESNARD, 15 ans, fille du charpentier. Selon les récits d’époque, le commerçant ainsi que les autres victimes s’étaient réfugiés dans la cave en emportant les biens (linge, livres de commerce, sacs d’argent), se croyant là à l’abri du sinistre…

La ville aux trois-quarts détruite

Plan géométrique d'une portion de la ville du Grand LucéCent quarante-quatre maisons, couvertes pour la plupart en bardeau, furent détruites dans l’incendie, ainsi que les halles et certains bâtiments annexes du château. L’église fut touchée, et notamment la sacristie. Seules dix-huit habitations furent épargnées.4

M. de Montrocher, ingénieur, établit après l’incendie un plan de la ville (ci-contre). En noir apparaissent les maisons incendiées…

Il fallut dix ans pour que la ville soit rebâtie et puisse accueillir ses habitants éparpillés à la campagne ou dans les paroisses voisines.

Les registres partis en fumée

Procès verbal - Le Grand Lucé, 1781Le registre des cinq premiers mois de cette année 1781, conservé dans la sacristie, fut détruit.
Afin de reconstituer le registre paroissial perdu, les habitants sont invités, accompagnés de témoins, à venir déclarer les actes passés ce début d’année. Un procès-verbal d’environ 160 pages est dressé par la sénéchaussée de Château-du-Loir en date des 9, 10 et 11 juillet 1781, contenant les actes de Baptêmes, mariage et sépultures de la paroisse de Lucé.

Notons aussi que la maison du notaire et son protocole, ainsi que le contrôle, ont été totalement brûlés. 3 Triste nouvelle pour les généalogistes et chercheurs futurs…

La citation

« La catastrophe qui finit par arriver n’est jamais celle à laquelle on s’est préparé. »

Mark Twain

Sources

1. 1780 habitants en 1793, source cassini.ehess.fr.
2
. source Archives Départementales de la Sarthe, registres BMS d’Évaillé, 1781, vue 142.
3. source : Mémoires de René-Pierre NEPVEU de la MANOUILLÈRE, sur Gallica.
4. source Revue historique et archéologique du Maine.
5. site officiel de la ville du Grand-Lucé.

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